Elle
est enfin là, cette fameuse MT-01 hypermarketée par Yamaha avec ses
tambours japonais, ses rythmes Kodo et ses créatures de rêve (lire Moto-Net du 21 février 2005 Et elle cartonne même carrément dans les premiers chiffres de vente (lire Moto-Net du 7 avril 2005),
car c'est vrai qu'elle en impose avec ses pots en trompette et son
moteur monumental. Le charme résistera-t-il à l'épreuve de la route ?
Essai ! L'engin ne trahit pas le concept original et le design de
chaque détail est étudié pour participer au style de la machine. Le
tableau de bord, constitué d'un unique compte tours cerclé de chrome,
est magnifiquement rétro-éclairé. Un discret afficheur digital y est
intégré pour fournir toutes les autres informations.
Yamaha n'a
pas lésiné sur la qualité des matériaux, comme en témoignent les
échappements en titane ou le cadre périmétrique en alu coulé ne
présentant aucune soudure apparente.
Il s'agit bien d'une moto d'esthète, fidèle à l'esprit roadster sans tomber dans les facilités de la mode rétro.
En
effet, les dernières technologies sont mises à contribution pour
assurer les qualités dynamiques de l'engin : fourche inversée, étriers
radiaux ou encore des injecteurs "multijet" exclusifs à 12 buses pour
assurer une bonne combustion dans les énormes gamelles du twin.
Ce
subtil mélange d'esthétisme et de technologie ne ressemble à rien
d'existant et éveillera immanquablement la curiosité de tout motard
normalement constitué, même si les plus exigeants pourront noter
quelques fautes de goût comme ce feu arrière à diodes qui semble sorti
de chez Norauto, ou ces protecteurs de fourche en plastique imitation
alu. Mais rien d'essentiel, juste de quoi donner un peu de travail aux
accessoiristes et autres tuners !
Dans la rue, elle apparaît
curieusement beaucoup plus basse et compacte que sur les podiums de
salon. Ce qui est plutôt rassurant à l'heure de la prise en main, car
avec cette énorme ligne d'échappement proéminente sur le côté droit on
se demande comment on va caser sa jambe sans se brûler !
En
réalité, il suffit de s'installer sur la large selle pour être rassuré :
la position de conduite est naturelle. Peut-être un poil trop basculée
sur l'avant pour les manoeuvres à l'arrêt, mais rien de dramatique pour
déplacer les quelques 260 kg de l'engin en ordre de marche. D'autant que
la fourche inversée impose un rayon de braquage large malgré des
échancrures dans le réservoir. Heureusement que la selle est basse.
Démarrage
: toute la machine s'éveille et vibre du bloc compteur au feu arrière.
Les vibrations s'amplifient et gagnent tout le corps à peine tournée la
poignée de gaz, pour finalement s'estomper au delà de 3000 t/min.
Impressionnant... Finalement, ce n'était peut être pas que du flan cette
histoire de tambours kodo ! Non seulement le moteur est bien vivant,
mais il tient à le faire savoir à la terre entière à chaque instant !
Pas vraiment surprenant pour un V-Twin de 1670 cm3, mais on pouvait
craindre le pire en matière de comportement à bas régime.
Le
charme agit dès les premiers mètres : grisé par les puissantes
pulsations qui rythment la machine aussi sûrement que la basse d'Aston
Barrett au sein des Wailers, le pilote est immédiatement envoûté. A tel
point que le rédac chef rate l'embranchement habituel à la sortie de
chez Yam et passe la matinée à batifoler sur les départementales boisées
de l'ouest parisien !
Avec
sa course très longue, une gestion fine de l'injection et de la valve à
l'échappement, la moto s'ébroue sans à-coups dès les plus bas régimes.
De même, l'embrayage à commande hydraulique est d'une douceur incroyable
vu le couple à maîtriser. Ce gros moteur transmet beaucoup de
sensations sonores et vibratoires mais reste facile et parfaitement
exploitable. Presque trop pour certains puristes qui apprécient le
caractère un peu sauvage des gros Twin, mais saluons la prouesse
technique de Yamaha qui a su mettre la technologie au service des
sensations, ce n'est pas si courant aujourd'hui.
On
appréciera particulièrement cet effort en ville, où la moto est
extrêmement à l'aise et s'extrait avec aisance des embouteillages
parisiens les plus gluants dans une sonorité rauque des plus
sympathiques. Les regards des automobilistes sont d'ailleurs
systématiquement attiré par le monstre. Ce n'est pas si courant car, en
général, pour les non initiés, une moto est une moto.
Dès
les premiers kilomètres au guidon de cette MT-01, on fait le plein de
sensations. Ça vibre, ça tracte, ça gronde à chaque rotation de la
poignée de gaz, à tel point qu'on en oublie les autres pour rouler à son
rythme. Mais c'est aussi une vraie moto et la position de conduite est
parfaite pour la route : selle large et confortable, buste légèrement en
avant pour contrer la pression de l'air jusqu'à environ 140 km/h.
Au-delà - et on y parvient très vite -, les bras et les vertèbres
souffrent comme sur tous les roadsters. On appréciera surtout la poussée
immédiate de ce moteur qui se comporte un peu comme un gros mono avec
beaucoup plus de souffle. Véritable usine à sensations, il n'est pas
nécessaire d'aller bien loin pour se faire plaisir. De ce point de vue,
la MT-01 comblera pleinement les motards occasionnels.
En
revanche, les amateurs de montées en régime interminables et de grosse
patate à haut régimes - en clair, les amateurs de gros 4 pattes ! -
seront déçus : il n'y pas d'allonge, la poussée s'interrompt avant 5000
t/min (rupteur à 5500) et on attend en vain un second souffle.
Dans
la montée de la N118, rencontre fortuite avec une Honda Hornet qui
passait par là... La voie est libre : on ouvre tous les deux en grand !
Dans l'enchaînement de virages, les deux motos se tiennent et je suis
surpris par la vivacité de la MT-01. Mais quand la trajectoire
s'élargit, la Hornet profite de ses quelques chevaux de plus - et de ses
50 kg de moins ! - pour faire le trou. La MT-01 n'est clairement pas la
monture idéale pour arsouiller avec ses potes, car ça risque d'être
agaçant de se faire pourrir par des motos deux fois moins chères. Une
fois admis le fait que ce n'est pas sa vocation, on découvre autre
chose, plutôt un plaisir d'esthète, seul face à la route, en harmonie
avec sa machine. Et de ce point de vue, elle s'adresse alors plutôt à
des motards expérimentés, ceux qui ont déjà vécu les plaisirs simples de
la vitesse pure ou des accélérations bestiales et qui sont désormais à
la recherche de plaisirs plus essentiels.
Car
la MT-01 ne dispose pas que d'un moteur expressif. Elle propose aussi
une partie cycle rigoureuse et diablement efficace ! D'abord un train
avant fabuleux : la fourche inversée procure un guidage et un
amortissement précis en toute circonstance. Le freinage à étriers
radiaux est un régal de puissance et de progressivité. Certains se
gausseront de cette débauche de technologie sur une moto qui est loin
d'être une pure sportive, mais qu'importe : le résultat est là. Le train
avant inspire confiance - très appréciable sur une moto de ce gabarit -
et très vite on n'hésite pas à la balancer franchement dans les
virages. Ce qui permet de constater qu'on peut prendre sérieusement de
l'angle sans frotter. Une fois de plus, sans être sportive, la MT-01 est
loin du cruising pépère.
Le
bilan n'est pas aussi positif au niveau du train arrière. La suspension
plutôt sèche est efficace sur les petites irrégularités mais si la
route se dégrade ou si la moto est plus chargée, en duo par exemple, on a
l'impression que toute la course de l'amortisseur n'est pas exploitée.
Cela se traduit par des coups de raquette qui nuisent à la tenue de cap
et peuvent produire des pertes d'adhérence en virage. Rien d'alarmant
mais c'est fatiguant et guère rassurant en duo. L'amortisseur est placé
horizontalement sous le moteur, comme sur les Voxan ou les Buell :
est-ce un simple problème de qualité d'amortisseur - surprenant sur une
moto de ce standing - ou un problème de cinématique de suspension ? En
tout cas, différents réglages de l'amortisseur, malheureusement peu
accessibles, n'y changeront rien au cours de notre essai.
Au
final, on enchaîne les bornes à son guidon avec un très grand plaisir,
en se prenant au jeu des décélérations pour le simple plaisir d'écouter
les pétarades rauques du moteur et reprendre sa dose de vibrations à
l'accélération.
Les aspects pratiques ne sont clairement pas la
vocation de la MT-01 : il faudra choisir entre des bagages ou un(e)
passager(e) ! La place dévolue à ce dernier semble bien réduite mais se
révèle finalement satisfaisante pour de courts trajets malgré des
repose-pieds, certes magnifiques, mais placés assez hauts.
Les
plus grand(e)s risquent d'avoir les genoux sous le menton façon
sauterelle, mais les protections de pots sont très efficaces et ne
présentent aucun danger de brûlures.
Enfin, n'espérez pas ranger
quoi que ce soit sous la selle : cet espace rikiki, surchauffé par les
pots, est déjà occupé par la batterie et les accessoires électriques. A
tel point que Yamaha a dû installer une ventilation électrique et
envelopper la batterie d'une protection thermique. Espérons que cela
n'aura pas d'incidence sur la fiabilité globale de la moto.
Le
réservoir ne contient que 15 l, mais heureusement le gros V twin est
assez frugal et se contente de 6,5 l/100km, ce qui autorise une
autonomie d'environ 200 km. Parfaitement acceptable pour une moto de ce
genre.
Proposée
à 13 250 €, la MT-01 propose réellement un concept original, fidèle aux
promesses du concept bike. Ce n'est certes pas donné, mais la qualité
de la réalisation semble bien justifier ce prix. Entièrement dédiée aux
sensations esthétiques et dynamiques, elle ne se soucie pas d'efficacité
ou de fonctionnalité |
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire